Droits humains et minerais de conflit ; Plus jamais ça : attendre 9,5 ans pour une loi-cadre au Luxembourg en matière d'un devoir de diligence
Après des négociations interminables au niveau européen entre 2014 et 2021, le règlement (UE) 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 fixant des obligations liées au devoir de diligence à l'égard de la chaîne d'approvisionnement pour les importateurs de l'Union européenne qui importent de l'étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l'or provenant de zones de conflit ou à haut risque est entré en vigueur le 1er janvier 2021 dans les pays membres de l’Union européenne, y compris au Grand-Duché de Luxembourg. L’ONG Fairtrade Lëtzebuerg avait déjà lancé en 2020 un appel au niveau de l’avancement de la législation nationale et pour une transparence au niveau de certaines dispositions.
Le communiqué est téléchargeable au format PDF ici.
Après des négociations interminables au niveau européen entre 2014 et 2021, le règlement (UE) 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 fixant des obligations liées au devoir de diligence à l'égard de la chaîne d'approvisionnement pour les importateurs de l'Union européenne qui importent de l'étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l'or provenant de zones de conflit ou à haut risque est entré en vigueur le 1er janvier 2021 dans les pays membres de l’Union européenne, y compris au Grand-Duché de Luxembourg. L’ONG Fairtrade Lëtzebuerg avait déjà lancé en 2020 un appel au niveau de l’avancement de la législation nationale et pour une transparence au niveau de certaines dispositions.
Une loi-cadre aurait dû être prête au Luxembourg pour encadrer ce règlement. Or cette loi-cadre se fait toujours attendre : le projet de loi 7787 ne sera voté que demain le 13 juin 2023 ! Cette lenteur ne fait que confirmer certaines craintes formulées par des membres de la société civile au niveau d’une mise en œuvre d’un devoir de diligence efficace en tenant compte de l’urgence pour les personnes, qui souvent, doivent travailler dans des conditions intolérables. Pour l’introduction de mesures contraignantes concernant 4 minerais de conflit, il aura fallu près d’une décennie avant qu’une telle législation n’arrive au Luxembourg : un très mauvais exemple pour les négociations dans le contexte d’un devoir de vigilance pour les entreprises au niveau de la directive européenne, qui est actuellement en négociation à Bruxelles sur la Corporate Sustainability Due Diligence (CSDDD).
Droits humains et minerais du sang
Le défi d'une transparence et d'une efficacité
Dans ce contexte, l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg rappelle qu’il est indispensable d’assurer que des mesures sont nécessaires pour assurer la transparence, l’efficacité et également l’implication de la société civile au niveau d’une législation nationale concernant les minerais de conflit. Voici des éléments importants :
- Une publication annuelle de la liste complète des entreprises et importateurs nationaux soumis au règlement européen est un élément fondamental pour une diligence raisonnable efficace. La non-publication de cette liste rendra impossible pour les acteurs de la société civile, tant en Europe que dans les pays producteurs, de suivre les engagements des entreprises et de soulever des « préoccupations justifiées », comme le prévoit l'article 17, paragraphe 2 du règlement. Une transparence est indispensable à ce niveau afin de permettre aux tiers qui pourront voir par la suite quelles entreprises ont publié des rapports en vertu du règlement. Ceci est une condition afin de pouvoir impliquer les différentes parties prenantes, dont notamment la société civile dans le suivi de la mise en œuvre du règlement européen. Selon une enquête ILRES 87% de la population au Luxembourg sont d’avis que le gouvernement devrait publier de manière régulière la liste des
entreprises enregistrées au Luxembourg soumises au règlement européen sur les
minerais de conflits.
- L’application des critères de vérification devront se référer clairement aux lignes directrices actuelles du guide sur les minerais de l'OCDE.
- Une autre recommandation concerne le contrôle régulier et annuel des acteurs économiques. Ce contrôle ne devra pas se limiter uniquement aux aspects techniques, mais devra vérifier si le respect des droits humains a bien été pris en compte.
Il convient ici de noter qu’aujourd’hui encore, plus d’un million d’enfants travaillent dans le secteur extractif selon l’Organisation Internationale du Travail. Dans cette optique il faudra prendre en considération les obligations de la convention 182 de l’Organisation du Travail International pour éradiquer les pires formes de travail des enfants[1]. Les industries extractives artisanales et à petite échelle peuvent forcer les enfants à travailler dans des puits souterrains profonds, à tirer de lourdes charges de roches et à utiliser des produits chimiques toxiques pour séparer les minéraux ou les métaux précieux du minerai.
Selon un rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’UNICEF en 2021, le nombre d’enfants victimes du travail des enfants s’élève à 160 millions dans le monde – soit une augmentation de 8,4 millions d’enfants (2017-2020) – et des millions d’autres sont en danger en raison des effets de la COVID-19.
Ces mesures permettront d’entamer un processus qui pourra contribuer à briser le cercle vicieux entre le commerce des minerais et des violations des droits humains au niveau de l’importation d'étain, de tungstène, de tantale et d'or provenant de zones de conflit ou à risques. A noter que des défis majeurs restent : l’extraction d’autres minerais comme le cobalt ne respecte souvent ni les normes environnementales ni les droits humains. Le gouvernement luxembourgeois devrait s’investir également de manière conséquente afin que la proposition de directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité concernant le respect des droits humains soit mise rapidement en place et que son introduction ne prendra pas près d’une décennie comme la législation sur les minerais de conflit.
Dans ce contexte, il y a lieu de noter que l’État luxembourgeois doit également assurer une mise en pratique lors de ses achats publics. En effet, la chambre des députés a voté en février 2018 une motion invitant le gouvernement « à assurer que les achats publics intègrent à l’avenir le critère d’une diligence raisonnable au niveau des métaux concernés par le Règlement (UE) 2017/821 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 (tantale, étain, tungstène, or).»
Cette introduction de la loi-cadre devrait être également l’occasion de faire un bilan afin de déterminer dans quelle mesure cette motion a été mise en pratique depuis 2018.
[1] https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---asia/---ro-bangkok/---ilo-manila/documents/publication/wcms_720743.pdf