Conférence de presse - Campagne « Good Clothes, Fair Pay » - Législation pour un salaire vital - Présentation de l'Initiative Citoyenne européenne

par Fairtrade Lëtzebuerg · 

Campagne « Good Clothes, Fair Pay » - Législation pour un salaire vital - Présentation de l'Initiative citoyenne européenne

« Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant, ainsi qu'à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.» Ce troisième point de l’article 23 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme résonne plus que jamais à l’heure actuelle dans certaines parties du monde, marquées par une course à des coûts de production toujours plus bas et une maximisation des profits, faisant du salaire des travailleuses et travailleurs du secteur textile (et d’autres secteurs économiques) une variable d’ajustement comme une autre. Aujourd’hui, la majorité de ces ouvriers gagne en moyenne 2 à 5 fois moins que le salaire vital nécessaire pour pouvoir vivre dans des conditions de vie décentes. Ceux-ci se retrouvent donc piégés dans une pauvreté perpétuelle, tandis que les grandes entreprises de mode continuent de profiter de leur dur labeur, grâce à l’absence totale d’une législation qui les empêcherait de recourir à de telles pratiques abusives. Ainsi, en 2023 encore, des millions de personnes dans le monde travaillent dans la filière textile pour fabriquer tous les jours des vêtements dans des conditions indécentes à destination de l’Union européenne. En étant le plus grand importateur de vêtements au monde et l'un des plus grands marchés consommateurs de mode, avec plus de 260 milliards d'euros de ventes en 2022, l’UE détient indéniablement un devoir de responsabilité face à ces travailleuses et travailleurs.

Le salaire vital est un droit, pas un luxe !
Afin d’illustrer ces pratiques abusives perpétuées dans la filière du textile dans le monde, prenons l’exemple du Bangladesh, petit pays asiatique de près de 170 millions d’habitants, et voisin de la puissante Inde. L’industrie textile reste le secteur économique le plus important avec au moins 4 000 usines textiles qui emploient plus de 4,4 millions de travailleuses et travailleurs. Ce secteur de l’habillement génère par ailleurs la plus grande partie des exportations nationales. Le Bangladesh reste aujourd’hui encore extrêmement dépendant de cette industrie. Aujourd’hui, selon l’institut allemand Südwind, le salaire minimum dans l’industrie textile au Bangladesh est d’environ 69€, alors que les syndicats réclament une augmentation à au moins 207€ par mois face à l’explosion du coût de la vie.

 

Les citoyens et citoyennes européens peuvent exiger un changement systémique
C’est dans ce contexte que lONG Fairtrade Lëtzebuerg appelle les citoyens luxembourgeois et européens à se mobiliser dans le cadre de la campagne « Good Clothes, Fair Pay » - une Initiative citoyenne européenne (ICE) - afin que l’Union européenne assure la mise en place d’un salaire vital1 dans le contexte d’une législation contraignante pour les entreprises au niveau de leur devoir de diligence en matière de droits humains.
Cet instrument unique de démocratie participative permet aux citoyens et citoyennes au sein de l’Union européenne de demander directement à la Commission européenne d’introduire une législation, qui se doit d’atteindre, entres autres, un certain nombre d’objectifs, tels qu’exiger des entreprises qu’elles recensent, préviennent et atténuent les incidences négatives sur le droit fondamental à un salaire minimum vital, le droit à la liberté d’association et le droit de négociation collective. Celle-ci prévoit également qu’elles interdisent les pratiques commerciales déloyales qui causent des préjudices réels et potentiels pour les travailleuses et travailleurs du secteur de l’habillement et de la chaussure ou y contribuent, qu’elles promeuvent des pratiques d’achat équitables, qu’elles donnent aux consommateurs un droit à l’information sur les entreprises du secteur de l’habillement et de la chaussure et qu’elles obligent lesdites entreprises à rendre des comptes pour ainsi améliorer le processus de transparence. Si la campagne récolte 1 million de signatures de la part de citoyens européens, l’Union européenne sera tenue de donner une réponse à la demande citoyenne européenne.

 

Des multiplicateurs engagés qui soutiennent l’Initiative citoyenne européenne « Good Clothes, Fair Pay »
Convaincu que le salaire vital est un droit humain, le mouvement Fairtrade, dont fait partie l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg, est partenaire de cette campagne et œuvre depuis plusieurs années en faveur du droit à une rémunération juste et pour redonner du pouvoir aux travailleuses et travailleurs du textile dans le monde entier pour améliorer leurs conditions de travail. A ses côtés s’engagent à présent de nombreuses entreprises et organisations luxembourgeoises, qui soutiennent l’Initiative citoyenne européenne « Good Clothes, Fair Pay ». Parmi elles figurent Akabobuttek, Modu Shop, Naturwelten, Mélucéline, Lessure Wear, Hoffmann Thill, Side Lane, les Ateliers Kräizbierg, les Weltbutteker de Luxembourg, Diekirch, Dudelange, Bettembourg et Esch-sur-Alzette, et enfin Caritas Luxembourg et Friendship Colours of the Chars. L’ensemble de ces acteurs se sont donc engagés à sensibiliser leurs collègues, clients, fournisseurs et autres parties prenantes externes à cette thématique cruciale en soutenant cette Initiative citoyenne européenne par la distribution de flyers, outils, et actions de sensibilisation tels que des cours de couture et des workshops thématiques.

 

Quelle solutions ? Un CEO modèle et un standard textile plus exigeant pour les entreprises !
Face aux comportements irresponsables susmentionnés de nombreux acteurs économiques émergent toutefois, des entreprises exemplaires qui s’engagent à contribuer à l’instauration et à l’application d’un salaire vital pour les travailleuses et travailleurs, à l’instar de l’entreprise indienne certifiée Fairtrade Purecotz et de son fondateur et directeur Amit Narke. Cet éco-entrepreneur passionné, diplômé d‘une licence en ingénierie électronique de l'université de Mumbai, a eu, lors de visites à Nagpur, la ville natale de sa famille, l'occasion de rencontrer des producteurs de coton biologique dans la région rurale de Vidarbha et de passer du temps avec eux. Il a été touché par l'humilité des agriculteurs et a eu envie de travailler pour soutenir les producteurs de coton. Après avoir commencé à vendre du coton biologique en 1998, il a fondé Purecotz Eco lifestyles en 2000 pour fournir des textiles durables. Aujourd'hui, cette entreprise basée à Umbergao emploie environ 500 personnes, dans le respect des travailleuses et travailleurs et de l’égalité des genres (près de 56% d’hommes et 44% de femmes) et figure parmi les premiers fabricants de textiles en coton biologique certifiés GOTS, dans le respect des normes Fairtrade.
En 2019, Purecotz fut le premier partenaire à recevoir la certification Fairtrade « Textile Standard». Lancé en 2016, le Standard Fairtrade pour le Textile, propose une certification sur tous les maillons des chaînes d’approvisionnement, de l’égrenage du coton, jusqu’à la confection finale des produits. À travers une approche holistique, le Standard Fairtrade pour le Textile vise à redonner du pouvoir aux travailleuses et travailleurs du textile et améliorer leurs conditions de travail, notamment via l’engagement de verser un salaire vital pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs des usines certifiées endéans une période de 6 ans. Outre l’engagement pour un salaire vital, ce standard vise également à renforcer l’autonomisation des travailleurs, et à renforcer les volets santé et sécurité au travail, conditions d’emploi et protection environnementale.
Grâce à la volonté exemplaire et à la vision d’Amit Narke de prendre les devants en contribuant activement avec son entreprise à s’engager en faveur d'un salaire décent et à augmenter systématiquement les salaires des 500 employés au cours des 3 prochaines années, celle-ci est donc devenue l'un des premiers pionniers du textile durable en Inde. Amit explique que « s’engager pour un salaire vital au sein de Purecotz a été une évidence pour moi. Nous voulons tous être traités avec respect. Il est donc inconcevable pour moi que des travailleurs ne soient pas rémunérés à leur juste valeur. C’est une question de bon sens et de responsabilité collective. » Amit poursuit « nous voulions faire les choses différemment, mais nous n'étions pas sûrs de la manière pour nous y prendre efficacement. Puis, Fairtrade nous a présenté un système professionnel officiel, qui a nous réellement convaincu. Par la suite, Fairtrade nous a montré le fonctionnement du processus pour mettre en place des salaires décents, et nous avons d’ores et déjà pris des mesures en ce sens. Chez Purecotz, nous sommes convaincus que pour qu'une entreprise soit durable, elle doit reposer sur trois piliers solides : la durabilité économique, sociale et environnementale. En effet, à long terme, l'entreprise doit viser à atteindre un équilibre durable, c'est-à-dire socialement durable, durable sur le plan environnemental, mais également économiquement durable. »

 

Agir grâce à un choix conscient et un acte de bon sens citoyen
L’exemple d’Amit Narke et de l’entreprise Purecotz montre bel et bien qu’une volonté individuelle est primordiale dans un premier temps pour remédier à ce problème. Celle-ci doit toutefois être appuyée par une volonté politique européenne (et in fine, mondiale) contraignante pour les entreprises afin d’éliminer toute violation des droits humains, discrimination, violence et exploitation, qui restent des réalités dans l’industrie textile d’aujourd’hui. Hormis cette double contribution entrepreneuriale et étatique, chaque individu peut également activer son pouvoir d’agir en effectuant des choix conscients dans sa consommation de textiles. Et en donnant un visage aux producteurs et aux travailleurs de l’industrie textile, nous pouvons contribuer activement à une mode éthique et durable.

Pour soutenir cette Initiative citoyenne européenne et signer, rendez-vous sur https://www.fairtrade.net/act/good-clothes-fair-pay

1 « Un salaire vital est défini comme étant une rémunération reçue pour une semaine de travail standard (48 heures) par un travailleur dans un lieu déterminé et qui est suffisante pour permettre au travailleur et à sa famille d'avoir un niveau de vie décent. Les éléments d’un niveau de vie décent incluent la nourriture, l'eau, le logement, l'éducation, les soins de santé, le transport, les vêtements et d'autres besoins essentiels, y compris des réserves en cas d'imprévus. » (Global Living Wage Coalition).